La nature, figure d'illusion 4
COUCHER DE SOLEIL
Et d’or et de rubis
S’empourpre l’air du soir,
Oeil géant où convergent
La topaze et l’améthyste
S’empourpre l’air du soir
Orgie d’or et de miel
Mêlés aux sucs des goyaves
Ivresse des vins purs.
Se dilate sans fin
La prunelle béante
Qu’un doigt de couleur irradie,
Pour le banquet d’un soleil noir.
La prunelle béante
Où jade et émeraude
Sonnent le tambourin
De la nuit qui tisse sans fin
Son voile frémissant.
HIC ET NUNC
C’est ce surgissement
A la crête des vagues
Jets de salives blêmes
Crachés par la mer bleue,
Traine ondulante
D’un mariage sans nuage
O fable fabulée par les mères
Aux fausses prophéties.
C’est la plénitude sourde
Vibration des corps
Mordus par le soleil
A la croupe vermeille
C’est cette villa si calme
Paupières closes sur l’intérieur
Jardins en dégradés
Déversant sa lavande aux nattes bleues
C’est ce silence bruissant
De présences infimes
Dans la terre craquelée
Où s’abreuve l’été.
C’est mon âme déchirée
Par une double solitude
Celle de l’effraction,
Celle de l’écriture
L’instant ..
PURETE DE L’INSTANT
Quand ce vol d’hirondelles
A tire-d’aile
Traverse le ciel si pur
O bruissement d’azur.
Une goutte de perle
S’égoutte
Quand la lumière pâle luit
Sur le fil blême de la pluie.
Le battement des pendules
Rythme, au cœur
De la nuit, l’évanescence
Des songes aux pages du sommeil.
Palavas
Aux premières fraîcheurs
Délaissant quelques heures
Des paresseux étangs l’or sombre et violacé
Et la mouvance des roseaux,
Les flamants roses s’élancent
Aérienne danse
Impeccable escadrille
Dans le feu du couchant
.
A peine les étreint
Quelque souffle aquilin
Qu’ils resserrent leur cercle
Filigrane ballet de têtes et de becs
Pour l’allonger nonchalant et sans fin
Ivres d’espace marin
Planeurs immatériels
Dans l’éblouissement de l’instant.
O divine écriture
Des lois de la nature
Que l’homme croit défier et ne sait que calquer
Dérisoire plagiat, de toute imagerie,
Ni le vibrant tracé d’un sensible pinceau
Ni d’un poème la note surannée
Ne rendront l’essence
L’être là de la présence.
AIGUES MORTES
Entre ciel et terre
Entre terre et mer,
Pour qui marche sur les remparts d’Aigues mortes,
Un vol de flamants roses
Empourpre l’air du soir,
Pur instant de jouissance,
Loin des sombres réminiscences
Des preux chevaliers, qui partirent
Tel saint Louis
En l’an de grâce 1240 sur les galères
Avec l’islam croiser le fer,
Jours de colère,
Combien sont revenus
Amarrer leurs navires
Au pied de ces murailles,
Plus morts que vifs,
Porteurs de peste et de choléra
En ce moyen- âge d’un autre âge
Où la vie était si court passage,
Chantez moines de Psalmodi
Cantiques graves sous les voûtes
Dont les jeux d’ombre et de lumière
Partageaient les heures du jour.
Entre ciel et terre
Entre mer et ciel
Celle qui domine les murailles
Ne sait plus que faire
O vertige, vestige d’un passé,
De tant de souvenirs
Quand il n’y a plus d’avenir
Que la splendeur d’un jour déclinant
Sur la mer retirée aux terres ensablées,
Trainée d’or et de sel
Qui fut l’amer et le salaire des galériens
Ramant en cadence, en souffrance
Pour expier crimes aux lois instituées
Par cruelles guerres de religions
Toutes pourtant amoureuses de même Dieu
VIENNE
Faut il que m’en souvienne !
C’était l’été de mes quinze ans
Fallait un jour que j’y revienne
M’attendait la ville aux sept visages.
Celle qui flâne
Au pas d’amble des fiacres
Celle du beau Danube bleu
Des amours romantiques
Tournez valses et musiques…
Sous la pourpre de l’opéra
Et c’est Mozart, l’enfant de grâce,
Et sa dive inspiration,
Brahms, Schubert et Strauss
Que fait vibrer la baguette des chefs d’orchestre
De Vienne
M’en souvienne
J’avais goûté le charme des cafés
Mirage des miroirs embués
Où flottent encore les grandes figures du siècle passé,
Einstein, Freud ou Musil
Intellectuels voués toujours à l’exil …
Au pas lent de mes rêves
J’ai revu Schönbrunn et ses jardins
Où passa la radieuse Sissi, femme libre
Eternelle amoureuse,
Et le palais d’Otto Wagner
Que hantent les figures de Klimt
Nimbées d’or et de calme volupté,
Vienne que je revienne encore
Emportée par la grande roue du Prater
Tourne vertige du temps qui nous broie
Vole virevolte et repart
Le temps d’une vie, le temps d’un instant. ?
TOURISME A MONTPELLIER
A ceux qui se lamentent de ne pas voyager,
Faute d’argent, faute d’allant,
Craignant les embarras, les horaires décalés,
Je dis « N’attendez à demain
Dépaysez-vous, chez vous, tout est à portée de main.
De Montpellier à … Montpellier
A peine le temps d’un instant,
Pas de distance à parcourir
Ni de visa à fournir
Prenons un billet de bus ou de tram
Et l’esprit léger, et en poche ces quelques grammes,
Qui n’allégeront pas notre bourse, allons découvrir,
Sans peine et sans courir.
Les merveilles de votre ville.
Pour jouer les touristes, c’est facile
De prendre vos quartiers ou d’été ou d’hiver,
Bipolaires, partons flâner. le nez en l’air.
Dirigeons nous vers les bords du Lez,
Là bas pas de falaise
Mais des cascades à vous couper le souffle
Sur des berges au glacis de calcaire
Paysages touffus digne des mangrols, arbres aux racines aériennes
Revenons au centre ville, place de
Et vous partez pour un concert
Avec jongleurs et bateleurs,
Défilé gratuit des filles à la dernière mode,
Devant vous c’est si commode.
Bien détendus, allez au Jardin botanique
Promenez vous, parmi les simples,
Plantes médicinales du moyen âge, hautes en couleurs,
Hantez les allées ombragées et pleines de senteurs.
Un autre jour, allez flâner au Musée Fabre
Et regardez les artistes,
Les impressionnistes
Souvent eux aussi des bipolaires
Inspirés par leurs manies mais aussi leur génie.
N’oubliez pas de vous perdre dans les ruelles du Moyen âge
Au charme fou d’un autre âge,
Aux noms de vieilles corporations, d’argentiers, de cordeliers,
Les vieilles pierres ont tant de choses à nous dire...
Vous aimerez
Son bel hôtel particulier et ses caves voûtées, aux sublimes arcs
La nuit c’est féérique, dans le petit train touristique,
N’oubliez pas ST Roch et ses façades en trompe l’œil
Ah de Montpellier à Montpellier, le chemin n’en finit plus, dés que vous l’avez emprunté …
MYSTERE
L’œil vaste est la Roue de la Nuit
Qui tourne dans l’immensité,
Agitant des voiles d’or sombre.
Le ciel est beau où glissent des fumées.
Veille en sa tour le guetteur solitaire
Colonnes de lumière sont mes rêves
Quand les vapeurs s’élèvent, liturgie
Où naissent des fleuves incandescents ;
Tout se tait pour fêter l’autre règne
L’intime de l’ultime, l’au-de là,
Mystère des vies habitées,
Le cosmos se creuse, sombre berceau,
Drapant le lourd sommeil des hommes,
O souffle pur des origines…
Au loin s’allume un phare
Rouge paupière dans le soir
Sous l’écorce encore chaude
L’odeur des pins s’exhale,
La nuit descend très lentement
Tout dort et mon âme s’éveille.
AUTOMNE
L’automne n’est déjà plus,
Le temps de l’entre-deux
Jetant ses derniers feux,
Pour allumer l’arbre aux écus
Et l’élan des saules graciles
Viennent les jours si courts
Libérer nos passions éclatantes
Et nos fêtes sensuelles
Dans l’infinie palette de la nature
Juste avant que blanchisse,
Chevelure givrée, silhouette falote,
Pensées au ralenti,
L’hiver aux pas feutrés
Aux membres gourds,
La ronde des feuilles, très lentement
Tournoie dans le ciel pâle et blanc,
Mains frippées aux veines tendres
S’abattant sur la brume des labours
Oû s’écrasent les pommes acides
Qui pourrissent sur d’humides pâtures
Dans la rumination des heures
Mâchant le temps indéfiniment
Filets de pluie
Goutte à goutte
Le temps s’égoutte
Oû j’invoque la terre
Que cultivèrent mes aïeux
Normands au regard bleu
Ou marins battant de rames calmes
La houle grise de l’océan
NATURA
J’invoque Natura, celle qui va naîssant,
Toujours en gestation et toujours fécondant,
Tout au long des saisons,
Les lentes germinations
Qui ondulent à l’horizon.
Et c’est Céres aux nattes de blé lourd
Déplorant par toutes les terres
Sa fille à la fleur de l’âge,
Ravie par le dieu des Enfers,
Pour un hiver si long, miroir de nos mélancolies
Pour un hiver si blanc, tissant d’un même voile,
Et la terre et le ciel,
Qui ramène à la lumière du printemps
Perséphone, femme-fleur,
Telle Venus cueillant l’écume blème,
Pour renaître sous les doigts inspirés
De Botticelli à l’aube du Quadracento,
Et flammes dans l’été,
Dansent Céres et Perséphone,
Lèvres mordant la pulpe
Sucrée des fruits qu’offre Pomone,
Femmes fluides en leur parure,
Pour vivre un jour d’or et de sang,
Où la mer et l’azur se mèleraient sans fin.
Vienne l’automne
Rappeler à la raison,
Les deux femmes dont les pas vont, plus lents,
Qu’inspirent Sagesse et Mesure,
Tandis que déclinent les jours
Dans la douceur des pommes mùres
Et des lampes tamisées.
De saisons en saisons
Revint six fois déjà nous avertir
Le grand cycle tournant des astres,
Et c’est la paix des feux tranquilles
Qui veillent dans la nuit, et c’est le beau savoir en sa maturité
Plénitude d’une vie si remplie d’expérience
POETIQUE
Quand le soleil tremble, pétale translucide,
Eclairant le vierge de la page blanche,
Strates de souffrance aux lignes fertiles,
Ecriture des doigts qui dessinent le jour,
Franchissant des siècles d’indifférence,
Murailles fragiles d’écumes blêmes,
Filets étanches des paroles tues,
Un bateau vacille, que happe l’horizon,
Et le lotus éclot, o merveille patiente,
Dans la boue trouble de la main
Ouverte sur l’ineffable d’un présent,
Offrande belle d’un matin
Dont il ne restera que quelques gouttes d’eau
Perlant sur un tapis de mousse,
Matière sans substance,
Peau d’encre et de claire rosée.
Quelques gouttes d’eau
Perlent sur un tapis de mousse,
Matière insubstancielle
Peau d’encre et de rosée.
VENISE
Venise, que tu étais belle
Assise au bord du flot passant
Jouissant de ta face immortelle
En ce miroir éblouissant.
Venise, que tu étais blanche
A l’heure où, des cieux pervenche
Midi sur ton front gracieux
Posait son baiser fiévreux.
Venise, que tu étais folle
Lorsque la nuit venaient les masques
Danser leurs vives farandoles
Sous le doux clapotement des vasques.
Aujourd’hui, Venise tu vois
Tes molles grâces d’autrefois
Se refléter sur l’eau perfide
Sillonnée de rides perfides.
Venise la grise, tu sais
Que ta jeunesse sans retour,
Est-il plus douloureux secret ?,
S’en est allé au fil des jours…
Venise la rouge, tu meurs,
Les poètes et les rêveurs
Chanteront seuls, les soirs d’été,.
La nostalgie de ton passé
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