La nature, figure d'illusion 2
D’HIVER ET D’ENFANCE
Il neige
Que n’ai-je
Glissé sur mes poudreux chemins,
Forme invisible, doux lutin
Arrachant pour survivre
De durs diamants de givre ?
Il neige
Que n’ai-je,
A pleines mains, doigts qui rougeoient,
Emporté la magie qui poudroie
Cristallline morsure
Des stalactictes pures ?
Il neige
Que n’ai-je
Pu confier mes pas d’enfants
A la tendresse des parents
Au blanc village
Quand la bise faisait rage ?
Il neige
Que n’ai-je
Trop sensible fermé mon cœur
Au sombre appel des fossoyeurs
Rythme blème des pelles
Brisant le marbre qui gèle ?
ODE AU ROI DES AULNES
« Entends tu les grives
Appeler dans la nuit ?
« Enfant, ce n’est que le vent
Sur les dunes, effleurant
La chevelure des arbres »
« Entends tu la forêt gémir
Sous les coups de l’orage ? »
« Je ne vois que l’ondée
Qui jase sur la feuillée
Son rire de cristal »
« Entends tu les grives
Pleurer dans la pinède ?
« Enfant, ce n’est que ton cœur
Qui épanche ses douleurs
Au premier chagrin d’amour »
Le soleil s’est glissé au fond de mon terrier
Et se coule à travers mes paupières closes
« Lève toi c’est l’été
On moissonne les fleurs
On ramasse les fruits. »
« Je dors depuis l’hiver un long sommeil de neige
Et mon corps est lourd de rêves et de brumes. »
« Lève toi, c’est l’été
Qui revient chaque année
Plus chaud et plus doré. »
« Laisse-moi seulement finir un dernier songe
Et je m’éveillerai encor tout engourdi »
« Lève-toi et regarde
La sève coule à flot
Au fût poisseux des arbres. »
« Mon Dieu, les fleurs les fruits, que tu m’avais promis
Tout agonise et meurt et je suis éveillé »
« Rendors-toi, c’est l’hiver
La plus belle saison n’a duré qu’un instant ? »
,
D’AILES EN FLEURS
Papille de fleur,
Qu’effleure une aile d’arc en ciel
Volage, un papillon se pose,
Portant au vent léger
Le message matinal
De la terre à l’azur
De l’azur à l’espace,
Langue indicible et tendre,
Effleurement, souffle essoufflé,
Avant même de naître
Avant de n’être rien ou si peu
Fouillis de vie,
Fourmillement de couleurs
A peine posées
Que le peintre a déjà disparu
Dans la lumière dansée d’un clair matin d’été.
AUX LYS
Grands lys mauves,
Ailes de soie,
Sur vos longues tiges frêles,
Vous ne viviez
Que de pluies
De parfums et d’azur,
Epanouis sous la caressse
Et la tendresse
Des soleils matinaux
Et voici qu’à présent
Vos fleurs vont se fanant,
Tristes, des tristesses de l’automne,
De grisailles et de brumes,
Perdant l’éclat de leurs tendres calices,
Pour renaître dans un autre cycle,
Avec les mêmes espérances
Mourant des mêmes nostalgies
Car vous êtes, du Beau, figure d’éphèmère ?
A SAINT FLOUR
Rue des Tuiles bas
Rue des Tuiles haut
La route serpente, bordée de maisons basses,
D’un autre âge,
Penchées sur le vide d’un paysage,
A l’horizon,
Ondulent, puissantes
Les montagnes jaillissantes
Aux mamelles de femmes
Eclaboussées de ciel,
Mordant à pleines dents
Les rires de l’azur,
La bouche du soleil,
Où la vie coule à flots
Dans les formes assoupies
Depuis des millions d’années
Sombres les entrailles de la terre
Que travaille le feu originel
Et claires les vies qui marchent, insoucieuses
Dans le matin frais, rue des Tuiles bas.
ODE A ALLEUZE,
La houle des sapins
Ondule à l’horizon,
Toison d’or et de bronze
Qu’un rêve d’eau profonde
Capture dans ses eaux,
Où flottent les naïades
Sommeilleuses gardiennes
Des noires opulences.
Ondule à l’horizon
La mouvance du ciel
D’où fuse la lumière
En flots incandescents,
Dessinant les contours
D’une seule harmonie,
Paysages et châteaux,
D’Alleuze en majesté,
Le joyau et l’écrin.
Toison d’or et de bronze
Que dominent les ruines
De ce sombre château,
Où des vols de corbeaux
Portaient messages chevalresques
Des ducs de Clermont, de Guerlande
A leurs dames de cœur,
Quand crépitait la guerre.
Qu’un rêve d’eau profonde
M’attire dans ses moires,
Je viendrai méditer
Dans ses lieux façonnés
Par le Temps et la neige et le vent,
Empruntant chaque année
La route qu’un burin
Tailla d’un dur éclat.
SOLEIL COUCHANT
Des pourpres flottaisons
Du soleil occident,
Se voilent les puys
Sculptés en taille douce.
Sous la rouge paupière
A l’horizon bleui,
S’attendrisssent les lignes
Des montagnes d’Auvergne
Où parfois s’ouvre encore
La bouche d’un volcan,
Couvant d’un soin jaloux
Le feu essentiel.
Comme glissse le jour
Sur son sillage d’ocre,
Phébus se remémore
La mémoire du temps
Matières naissantes,
Roches incandescentes
Des laves en fusion
Batttant les noirs rochers
De leurs lames d’airain.
Mais bergers auvergnats
N’ont que faire des dieux
Muets et silencieux.
Le temps, le temps n’est plus
Que celui d’une vie
Ouverte sur le rêve
Ouverte sur le mystère
De l’au-delà du par-delà.
Comme un troupeau fumant
Dans la chaleur du jour
S’arrondissent les croupes géantes
Dorées par l’herbe drue
Dans le soir lumineux
Qui m’enveloppent, de leur sombre manteau…
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