La nature, figure d'illusion 1
Je dédie ce recueil à ma fille et à mes amis peintres et aux amoureux comme moi de la nature.
La figure de la nature ne fut pas jamais pour moi un motif, une représentation, mais un lieu très présent, tout à la fois réel et rêvé, dans lequel ont baigné une enfance et une adolescence, vécues dans une bourgade de l’est, Raddon, à quelque distance de la cité thermale, gallo romaine de Luxeuil les Bains.
Trois couleurs hantent mes souvenirs, le blanc d’un tapis de neige feutré, le gris des longs barreaux de pluies, le bleu azuré de quelques chaudes journées. Des silhouettes d’arbres s’inscrivent à l’horizon de tous mes souvenirs, sentinelles des saisons, guetteurs de la nuit, interrogeant le temps, figures toujours de consolation.
S’ajoutera plus tard la lumiére solaire de paysages méditerranéen de l’Egypte, de la
Grèce et de l’Italie, dont la civilisation a nourri toute ma culture.
La dernière thématique est celle du dénuement, du souffle, de la transparence d’une nature intériorisée dans l’espace zen.
Des mots aux formes, je l’ai souvent pensé, la poésie et la peinture se font signe et ces deux formes d’art sont sœurs.
CYCLE ZEN
POETIQUE
Quand le soleil tremble, pétale translucide,
Eclairant le vierge de la page blanche,
Strates de souffrance aux lignes fertiles,
Ecriture des doigts qui dessinent le jour,
Franchissant des siècles d’indifférence,
Murailles fragiles d’écumes blêmes,
Filets étanches des paroles tues,
Un bateau vacille, que happe l’horizon,
Et le lotus éclot, o merveille patiente,
Dans la boue trouble de la main
Ouverte sur l’ineffable d’un présent,
Offrande belle d’un matin
Dont il ne restera que quelques gouttes d’eau
Perlant sur un tapis de mousse,
Matière sans substance,
Peau d’encre et de claire rosée.
L’ART FIGURE DE CONSOLATION
Pétri de limon le corps
Et de sens l’intelligence,
Le corps redeviendra matière
L’intelligence lumière
Et l’âme champ du Plus grand Amour,
C’est pourquoi l’artiste déchiré
Veut infuser aux formes la pensée
Et leur donner sens,
Page calligraphiée,
Pierre à visage humain
Bois sculpté d’un masque primitif
Marbre devenu temple,
Chefs d’œuvre sublimes et dérisoires
Jalonnant pour un temps
Qu’on appelle l’histoire
Notre route d’humanité.
Aujourd’hui, l’art est devenu impossible
Parce qu’on ne croit plus
Ni à l’inspiration
Ni à la Religion, ni à la transcendance,
Et que seule la réalité
La réalréalité,
Est le champ de la transformation
Le chant pur du désespéré.
UN PEINTRE AU BORD DU LAC MONT SOURIS 17août
Un peintre est assis sur la rive du lac. Il a mis à coté de lui son chevalet, sa toile, ses crayons, sa palette .Etrange, me direz vous ! Eh bien voilà .C’est que, contrairement à la réalité immédiate ,fût elle vraie ou simplement vraisemblable, ce peintre a fait passer dans son œuvre, le paysage , tel qu’il m’apparaît ,en tout cas ,tel que me le livrent les sensations, pour autant qu’elles ne me trompent pas, la réalité appartenant donc , elle, à l’artéfact ,en toile de fond, avec ses couleurs fraîches,ses verts tendres, ses glacis, ses miroitements.
Je vous avais prévenus et je laisse place à la poésie.
UN PEINTRE AU BORD DU LAC MONTSOURIS No2
La toile où s’est engluée la réalité
Un jour de moite torpeur
La toile aux fils arachnéens, si fine
Qu’elle vous effleure à peine
Quand le vent la fait onduler
Capte votre regard, le magnétise, l’électrise,
A votre insu
Et vous êtes pénétré, fibre après fibre
Par ce monde inversé
Où l’apparence affleure
En bulles d’air légères
Montant des troubles profondeurs de l’eau,
Pour éclore en myriades de scintillements
Peau glauque et mouvante
Où frissonne le vent
Le vent invisible et doux
Comme la chevelure des elfes,
Et vous ne serez jamais plus l’être d’avant
Puisque vous êtes passé de l’autre côté
Du miroir
Et que cela vous a rendu lucide, éveillé
Posté à l’extrême point de vigile
Contemplateur et contemplé
Sujet et objet
Artiste visionnaire et voyant.
Tandis que l’eau ondule, peau glauque
Où s’inscrit le col noir d’un cygne
Dans un sillage infini traversé par l’émeraude
D’un canard sauvage.
Avez-vous vu la paupière rose d’un pigeon
Picorant d’un bec mécanique
Trois miettes de pain
Plus dures que la réalité
Ou les branches noires de l’olivier
Enserrer la lumière verte de son feuillage
Et le peintre fermer ses mains où somnolaient les rêves ?
ODE AUX ELEMENTS
Enfant, j’ai contemplé la mer
Aux vagues d’airain, et l’écume m’a dit « Nage
Et je t’emporterai plus loin que l’horizon »
J’ai levé les yeux vers le ciel
Où glissent des fumées, une voix m’a dit « Vole,
Car je suis plus léger qu’un frisson sur la Lande »
A treize ans, j’ai hélé le vent fou
Parfumé de bruyère, la brise m’a dit « cours
Vers les Champs lumineux,
Mes lèvres sont gonflées d’un éternel baiser »
J’ai incanté la source
Où tremblent des rires et elle m’a dit
« Bois, mon eau a la saveur de la joie
Qui ensorcèle »
Dans ma douleur, j’ai invoqué la terre
Au sein lourd et profond
Elle m’a dit »Descends,
Je te dirai l’oubli et le silence et l’ombre »
Mais comment puis-je amarrer tous mes rêves
Je sais l’appel du vent, du ciel et de la mer ? »
REVES D’EAU
Vagalam
Sous les berceaux de myrthe
Foulant la violette et le thym
S’enfuient les nymphes et les elfes.
Vagalam
Le vent magicien
Sur l’eau verte d’un rivage
Fait et défait un visage,
Et l’amante n’étreint plus que son ombre,
Vagalam
Du cheur glacé des astres
Se détache une étoile,
D’un coup d’aile brisant l’éternité.
Vagalam, vagabonde
Errance des nuits bleues
Comme une étoile filante
Le temps s’est mis à exister.
Mon cœur, mon cœur s’est épris d’une image.
SALACIA
La naïade avait remonté le fleuve glacé,
Vague après vague,
Epousant le lisse de l’eau,
S’écorchant à l’aigu des rochers
Quand s’enroulaient des rubans d’herbes bleues.
Et l’eau devenait miroir
Où venait boire le soleil
Lapant la blessure du jour.
Alors s’endormant sous le couvert des joncs,
Elle écoutait le roulis des berges berçant
Le sang de la douleur.
Et s’éveillait de ses songes
Quand le ciel tremblait sur l’eau en transe.
A fleur du temps, elle avait franchi les jours
En leur matière insubstancielle
Transformant les larmes en buée,
Collier de perles d’eau sur un tapis de mousse
Pétales translucides au parfum de lys
Où s’accrochait un passé blême,
Tissé de tendresse et d’amertume.
CYCLE TERRIEN
Nuit inquiète, nuit dévoreuse
De tes voiles de brume,
De ta mante de lune,
Tu te dépouilles dans l’ombre
Et palpitante comme un nymphe,
Fièvreuse
Langoureuse
Et ce désir aux flancs qui martèle ton sang
De toute éternité
De toute maternité
Voici que tu te couches
A même l’herbe drue des tièdes prairies
Et vautrée, ouvrant à deux mains, ton ventre lourd
Tu fécondes sur ton sein, en son sommmeil premier,
A sa place originelle
Apaisée, délivrée,
La création en gestation
Qui s’endort pour renaître
Dans le cycle des jours.
ODE A MON VILLAGE
Battus des vents, plus droits que cierges
A l’assaut des Vôsges, aux crêtes bleues,
Montent les pins en longue procession,
Eternels pélerins en marche vers l’azur.
Stérile mamelon
Sucent ta sève maigre au rythme des saisons
L’or pâle des genêts sur l’étang de cristal
Où dorment de noires moraines,
Les myrtilles bleuâtres
Les mûres cramoisies
Ensanglantant les ronces.
Plus patients que leur lourd attelage
Sèment des champs ingrats
Les paysans taiseux
Qui regagnent, avec le soir,
Leurs hameaux agrippés
Sur les flancs montagneux.
En blanc manteau d’hermine
En robe d’ardoise et de grès
Sous le rouge juillet,
Ou le gris des longues pluies
Sauvage et solitaire
Jamais n’oublierai mon village sur le Raddon.
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